Terroriste à Toulouse, pas de photo.

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Toulouse abritait un terroriste, celui que les médias ont surnommé le « tueur au scooter » a tué 7 personnes dont 3 enfants autour de chez moi.

Nombreux sont ceux qui parmi vous se sont demandés si j’avais fait des photos de la tragédie que l’on vient de vivre à Toulouse.

La réponse est ->NON<-.

Pourtant, je ne suis pas loin des événements qui viennent de se dérouler dans la Ville Rose. L’appartement du terroriste Mohamed Merah n’est qu’à quelques centaines de mètres de chez moi.

Le terrorisme désigne l’emploi de la terreur le plus souvent à des fins politiques ou idéologiques.

Attentats à Toulouse, pas de photo
  • Le 11 mars 2012, un militaire est abattu au gymnase de l’Hers à Toulouse.
  • Le 15 mars 2012, 2 militaires sont tués et un troisième est grièvement blessé à Montauban.
  • Le 19 mars 2012, 4 personnes (1 adulte et 3 enfants) sont tuées et une cinquième personne est blessée dans l’établissement scolaire de confession juive Ozar Hatorah situé rue Jules Dalou à Toulouse.
  • Le 21 mars 2012, Mohamed Merah est assiégé chez lui (rue du Sergent Vigné) la police le considère comme l’auteur de ces 3 tueries, ses revendications et son profil laisse penser qu’il est proche des mouvements terroristes.

Attentat au collège Ozar Hatorah

J’aurais pu être sur place bien avant de nombreux journalistes en me rendant sur place à pied, il ne me fallait qu’une petit 1/4 d’heure, mais je ne souhaitais pas ajouter à la douleur de la perte des membres d’une communauté, la pression des journalistes, et celle des curieux venus en nombre observer le manège de la police ou des « Hommes politiques ». Je ne voulais pas non plus photographier l’horreur du terrorisme et de tout ce qu’elle engendre.

Les médias ont eu un comportement parfois violent, se jetant sur les habitants du quartier pour obtenir témoignages et images, même si ceux-ci n’avaient rien vu. Ils n’ont pas non plus respecté le souhait des familles qui ne souhaitaient pas que les photos des victimes soient diffusées.

Siège de la rue du Sergent Vigné

Dès l’annonce de la découverte du terroriste Mohamed Merah les médias se sont précipités sur le quartier de la Côte Pavée, le rebaptisant au passage en « Croix Daurade » ou même en « Croix Pavée« .

Il était à prévoir que la police installerait un périmètre de sécurité autour de l’appartement où se trouvait Mohamed Merah suspecté de terrorisme, dès lors en terme d’image l’intérêt devenait quasi-nul sauf pour les fans du « sensationnel exclusif« . Les grandes agences arrivées en nombre lors du massacre de la rue J Dalou ont été très nombreuses à se positionner autour du quartier, les télévisions généralistes ou d’informations étaient, elles aussi, très nombreuses.

Nous avons tous vu à la télé, les rares images réalisées lors des 33 h de siège sont celles de policiers faisant les plantons aux limites du périmètre de sécurité de la cité de la Belle-Paule.

Les médias ont eu un comportement là aussi proche du ridicule, inventant des informations (sur BFM « le suspect s’est rendu » à 15 h le mercredi) ou encore « agressant » tous les habitants du quartier afin de tirer un peu de contenu… Il y avait aussi les curieux qui dans un quartier du centre-ville se sont révélés nombreux, téléphone portable à la main pour essayer de capter quelques images à destination d’un compte Facebook ou même YouTube.

Il est probable même que les médias sans le vouloir ont pu en agissant ainsi donner des indications au terroriste retranché chez lui.

Il restait alors la venue des hommes politiques, mais ceux-ci n’ont fait le déplacement que pour s’afficher… Se faire bien voir par les français et les médias surtout en ces temps électoraux.

Minutes de silence et temps de recueillement

C’est un temps qui fait partie de la sphère privée même si cela se déroule en public. Y aller pour faire des photos n’est donc pas opportun. Pas plus que le fait de parler ou de mitrailler (photographiquement parlant) durant les minutes du silence que les journaux nous font « vivre en direct » les commentant allégrement ou rappelant les actes du terroriste.

Des photos pour informer ou pour donner de la visibilité au terrorisme ?

En réalisant des photos, des vidéo, en mobilisant les différents médias depuis lundi, on donne une image du terrorisme. Il est important de ne pas le cacher, mais il est aussi important de ne pas lui donner trop de visibilité, pour ne pas donner envie à d’autres personnes l’envie de vouloir passer à l’action, ou de donner les moyens aux organisations terroristes (Al-Qaïda, AQMI etc) de pouvoir afficher ce qui peut leur apparaitre comme une victoire.

En consacrant une grande partie des journaux à Mohamed Merah « l’immondice » (comme qualifié par le père d’une des victimes dans 7 à 8 sur TF1 le 25/03/2012), les médias créent pour certains une forme de sympathie favorable au terroriste et à ses idéologie.

Ces 33 heures d’hypermédiatisation et les jours qui ont suivis, ont donné à certains l’envie de rendre hommage à Mohamed Merah,  le terroriste : un professeur dans un lycée de Rouen a ainsi voulu faire observer une minute de silence aux élèves de sa classe, certains ont voulu organiser une manifestation dans le quartier des Izards à Toulouse en l’honneur du terroriste, et d’autres ont créé ou aimé des pages sur Facebook favorable à cet ignoble personnage.

Mohamed Merah l'immondice, le temps des questions

Dans un monde hyper-médiatisé, il serait temps que les journalistes se posent la question de l’intérêt de l’information en continue et en temps réel lors de ce type d’événement pour ne pas reproduire les mêmes erreurs que celles commises cette semaine à Toulouse. Quelle déontologie doit être au cœur du métier de journaliste ?

Quels sont les spécialistes/intervenants crédibles qui pourront apporter des réponses fiables sans créer une polémique après les événements en direct ?

N’est-il pas préférable de faire des points d’informations (surtout quand il ne se passe rien) pour pouvoir dérouler le reste de l’actualité ?

Et vous comment avez-vous vécu cette semaine, auriez-vous fait des photos, vidéos sur les différents lieux, réagissez dans les commentaires.

13 COMMENTAIRES

  1. Je ne peux qu’être d’accord. Que les journalistes se rendent sur place, soit, c’est leur boulot, bien que ce soit à moitié du voyeurisme. Une simple photo de l’école suffit, le bandeau de la police, ce genre de détails. Les photos pleines de sang, c’est le boulot de la police scientifique. Et les gens, aussi doués en photo soient-ils, n’ont rien à faire dans les environs d’un quelconque accident dans le but de photographier tout ça.
    Je suis étonnée qu’on vous ait même posé la question.

    • @Emeline
      Certaines questions nous étonnerons toujours, elle font aujourd’hui parti de notre société. Cette société qui accepte les loft-story, le voyeurisme etc …
      Les personnes qui m’ont interpelé directement savent aussi où je suis situé, que lundi c’est l’hélicoptère qui m’a réveillé et que mercredi je pouvais entendre les détonations de certaines grenades du RAID.

      Il y a certaines personnes qui pensaient que je proposerai un reportage avec un regard différent de celui des grandes agences qui proposent toutes les même photos des même sujets prisent aux même moments. Et les médias qui réutilisent eux aussi la même photo pour le même article.

      Il y a aussi quelques opportunistes …

  2. Merci pour cet article.

    Je pense et je sais que je n’aurais pas fait de photo.
    Par le passé, lorsque je vois un accident ou un incident, je ne fais jamais de photos par respect.
    Mais j’en vois beaucoup sortir leur téléphone et le faire.

    • Tout dépend de la destination des photos … et de ta sensibilité propre ou de celle de ton lectorat
      Si t es un pro faire des photos est ton métier, il te faut donc te poser la question du contenu de la photo.
      Si t’es un « amateur » pourquoi faire des photos à ce moment ???

      Après si t’es le seul à 200km à la ronde ou que tu sais qu’il y aura très peu d’image de l’événement en cours (vu de l’intérieur d’un bateau qui coule par exemple) je comprends l’intérêt de faire des images après se posera la question de la diffusion

  3. Merci pour cet article. Je suis partagé concernant le sujet.
    D’un coté c’est vrai que les journalistes en général ont cherché à remplir des trous alors qu’il ne se passait rien, n’y avait rien à voir et qu’ils ne savaient rien. Dans ce cas la pourquoi ne pas se taire … ahh oui la course à l’audimat …
    Cette chasse à l’audimat, au scoop a amené des excès comme ces caméramans, photographes et autres journalistes qui agressent presque les familles et proches des victimes aux abords de l’école ou les voisins de l’appartement.

    Faire des photos, filmer ou pas ? Pour des professionnels, je pense que la question ne doit pas trop se poser. La réponse est oui il faut photographier, filmer ce qui est de l’information; en respectant ceux qui sont photographiés.
    C’est après que la question doit se poser : cette photo apporte-t-elle quelque chose, une information et doit elle être montrée ?
    Si ‘auto-censure’ il y a je pense que c’est au moment de l’éditing, de la diffusion qu’il faut le faire, pas à la prise de vue. Si la photo n’est pas faite, impossible de montrer cette information. Alors que si on l’a faite, il est toujours possible de ne pas la montrer.

    • Perso la question que je pose c’est « faut il se déplacer pour ce genre de tragédie » mais ton analyse est pertinente (faire des photos et sélectionner après) elle est particulièrement vrai pour ceux qui ont été obligé de photographier cela.

      il est fort probable que si je vois un avion en difficulté et que je suis en photo je déclencherai sur l’avion pour me poser la question de la diffusion ensuite.

      Aujourd’hui je suis étonné de découvrir qu’Al-Jazeera se pose la question de diffuser ou pas les vidéo tournées par un immonde terroriste.
      Tout comme je suis surpris d’entendre le père de Merah « souhaiter porter plainte contre la France » Il ferait mieux de se taire car il est responsable de l’éducation qu’il a donné à ses enfants qui a engendré : un terroriste.

    • Pour des pros de l’info il ne me parait pas inopportun d’aller sur place pour couvrir l’événement. Pour des amateurs ou les curieux par contre … c’est vraiment du tourisme catastrophe.

      Comme toi je suis également étonné par le questionnement d’Al Jazeera concernant les vidéos. A part du sensationnel macabre quel serait l’intérêt de ces vidéos pour le public : aucun je pense. Espérons qu’ils soient raisonnables sur ce coup la …

    • Al-Jazeera a deja par le passé diffusé des vidéo d’assassinats et autres événements tragiques d’origine terroriste. Ils font du « sensationnel macabre » mais donne aussi la parole au terrorisme.
      Cela vient d’être confirmé qu’ils ne diffuseront pas les vidéo mais le simple fait de se poser la question doit nous interpeler… TF1, BFM et d’autres chaines ont eu besoin d’annoncer qu’elles ne diffuseraient pas les images …

      Pour les curieux, nombreux, c’est une curiosité malsaine qui les poussent à se déplacer, depuis jeudi le quartier de la cité Belle Paule et même envahi par les touristes et les voyeurs.

  4. Pour ma part, habitant loin, je n’ai pas fait d’images, mais j’ai tout de même commis un texte sur mon blog. Déformation d’ancien éditorialiste : je crois nécessaire de réagir et de se positionner par rapport à ce type d’événements. Marquer le coup, pour se dissocier, verbaliser la réprobation et l’émotion. Si j’avais été à ta place, je pense que j’aurais sans doute promené mon apn dans les parages. Je me serais posé un tas de questions morales, m’en serais peut-être voulu énormément, mais je crois que le rôle du photographe averti, qu’il soit amateur ou pro, est de documenter le réel chaque fois qu’il le peut. Curiosité malsaine ? Non, je regrette : la photographie est un formidable outil de témoignage et ce serait idiot de claquer un fric bête dans un matos qui ne servira qu’à encadrer des petites fleurs et des gambettes lissées. Et puis, pourquoi laisser le champ aux amateurs de sensationnel et de smartphones ? Je songe ici à ce photographe amateur d’Hiroshima qui, le jour où a éclaté la bombe, a commencé à shooter ce qu’il voyait autour de lui. Je me souviens d’avoir été quelque peu choqué par son témoignage. Des gens mouraient autour de lui, et il était là à faire des images. Mais, en y repensant, j’en suis venu à admirer sa pratique… et son abnégation : ces images sont aujourd’hui le témoignage le plus fort qui existe contre les horreurs du nucléaire. Bien sûr, il s’agit d’un cas extrême. Et les images que tu aurais pu produire à Toulouse n’auraient peut-être pas revêtu une telle pertinence. Il était toujours temps dès lors de se poser les bonnes questions à l’égard de leur diffusion.

    • @Marco

      Je me suis posé les questions avant de me déplacer Dans d’autres circonstances je me poserai les questions après voir fait des photos.

      Dans le cas présent je savais à quoi m’attendre : pas grand chose à se mettre sous l’objectif. Mais dans le cas plus extrême (Hiroshima AZF ou autres) il est probable que je sois de ceux qui feront des photos … Car il est certain que dans ces moments les journalistes ne pourront pas tous être partout et que mon témoignage sera donc différent.

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