Toulouse, la rue de la Verge d’or, un nom provocant

Toulouse regorge de rues au nom chargé d’histoire. Certaines évoquent des personnalités, des événements historiques, ou des monuments disparus. D’autres, plus discrètes, attirent l’attention non pas par leur importance, mais par la singularité de leur appellation. C’est le cas de la Rue de la Verge d’Or, une voie étroite du centre-ville qui intrigue, amuse ou surprend quiconque croise l’une de ses plaques signalétiques.

À première vue, ce nom peut faire sourire ou prêter à confusion. Pourtant, la toponymie toulousaine, souvent héritée du latin ou de l’occitan, recèle des trésors de sens et d’histoire qu’il est passionnant d’explorer. Derrière ce nom à double lecture se cache une réalité bien plus poétique que grivoise.

Où se trouve la rue de la Verge d’Or à Toulouse ?

La rue de la Verge d’Or se situe dans le quartier Arnaud-Bernard, non loin du boulevard d’Arcole. Elle relie ce dernier à la rue des Trois Piliers, en sens unique. Cette portion de rue est courte, peu passante, et assez discrète malgré la notoriété grandissante de son nom.

Malgré sa faible longueur et sa relative discrétion, elle attire la curiosité de nombreux passants, toulousains comme touristes, qui s’arrêtent souvent pour prendre une photo de ses plaques. Il n’est pas rare de la voir citée sur les réseaux sociaux ou dans les tops des rues aux noms les plus insolites de France.

Une plaque en occitan, apposée à l’une des extrémités de la rue, indique « Carrièra Vèrga d’Aur ». Cette transcription permet de mieux comprendre le sens premier du nom : ici, « vèrga » signifie « tige », « branche » ou « verge » au sens végétal, et « d’aur » signifie « doré » ou « d’or ».

Rue de la Verge d’or, un nom souvent mal interprété

De nos jours, le mot verge est rarement utilisé dans un contexte botanique, ce qui contribue à la confusion et à l’amusement suscité par le nom de la rue. Pour autant, il est essentiel de replacer ce terme dans son contexte historique et linguistique.

La toponymie ancienne ne se souciait pas des doubles sens modernes. Au contraire, elle décrivait de façon fonctionnelle ou descriptive ce que les habitants voyaient ou connaissaient dans un lieu donné : une activité artisanale, un édifice religieux, une particularité naturelle…

Il est important de rappeler que la rue de la Verge d’Or n’a rien de provocateur : son nom fait référence à une plante médicinale aux fleurs dorées, dont la présence à proximité a pu marquer les esprits.

L’origine botanique de la rue de la Verge d’Or

La verge d’or est le nom vernaculaire d’une plante : le Solidago, un genre de plantes vivaces de la famille des Astéracées. Elle pousse naturellement dans les prairies, les terrains vagues ou en lisière de forêt. En ville, elle a pu être cultivée dans des jardins privés ou communautaires.

Une plante médicinale aux nombreuses vertus

La verge d’or est reconnue pour ses propriétés médicinales, notamment :

• Diurétique : favorise l’élimination rénale, utilisée pour soulager les infections urinaires.
• Anti-inflammatoire : soulage les douleurs articulaires et musculaires.
• Expectorante : efficace contre la toux, les bronchites et autres affections respiratoires.
• Antiseptique : utile en usage externe sur les plaies, piqûres et irritations cutanées.

En infusion ou en compresse, elle était un remède courant dans les médecines populaires. Ce n’est donc pas étonnant qu’elle ait donné son nom à une rue, surtout si cette plante poussait en abondance dans le secteur.

Un quartier propice aux jardins et plantes médicinales

Au XIXe siècle, le quartier autour de la rue de la Verge d’Or était composé de maisons basses, souvent sur deux étages, organisées autour de cours intérieures fleuries. La culture de plantes médicinales, notamment dans les jardins privés ou les potagers urbains, était une pratique courante.

À proximité immédiate se trouvait le jardin de l’Embarthe, un espace vert aujourd’hui disparu mais qui, à l’époque, pouvait abriter des plantes comme le solidago. Il est donc probable que la rue ait été baptisée en lien avec la présence visible de cette plante dans le quartier.

Évolution du nom de la rue de la Verge d’or à travers les siècles

L’appellation de la rue a évolué au fil des siècles, ce qui témoigne de la richesse du patrimoine linguistique toulousain. Voici un aperçu des noms successifs :

• XVe siècle : on trouve dans les archives la mention « Carriera Virgam auri apud Vergadaux », une expression en latin médiéval qui signifie approximativement « Rue de la verge d’or près de Vergadaux ». Le mot « Vergadaux » semble être un toponyme local aujourd’hui disparu.
• 1794 : dans une volonté de laïcisation et de rationalisation des noms de rue pendant la Révolution française, la rue est rebaptisée rue de l’Expérience, comme de nombreuses autres voies de la ville. Ce nom ne survivra pas longtemps.
• XXe siècle : retour à l’appellation d’origine, avec la traduction en occitan en parallèle sur les plaques murales.

Autres hypothèses sur l’origine du nom de la rue de la Verge d’or

Si l’explication botanique reste la plus probable, d’autres théories ont circulé au fil des années.

La statue de la Vierge dorée

Une légende urbaine locale prétendait qu’une statue de la Vierge dorée se trouvait autrefois dans une niche sur la façade d’une maison de la rue. Cette statue aurait donné son nom à la rue. Toutefois, l’argument linguistique invalide cette théorie : en occitan, la Vierge dorée se dirait « Verge daurada », et non « Vèrga d’Aur ».

Une enseigne d’échoppe disparue

D’autres historiens locaux avancent qu’il aurait pu exister une enseigne ou une boutique arborant une tige dorée comme symbole — possiblement une herboristerie ou un apothicaire. Le nom aurait été conservé, même après la disparition du commerce.

Cette hypothèse, bien que plausible, ne repose sur aucune source archivistique fiable. Elle reste donc au rang de supposition.

La rue de la Verge d’or victime de son succès

Le nom insolite de la rue de la Verge d’Or attire les curieux… mais aussi les vandales. Les plaques de rue sont régulièrement volées, obligeant la mairie à les remplacer.

Par ailleurs, comme beaucoup de rues peu fréquentées du centre-ville, elle est parfois le théâtre d’incivilités : urines sauvages, dégradations, ou dépôts d’ordures. Un paradoxe, quand on sait que cette voie évoque à l’origine la nature, la médecine douce et les plantes bienfaisantes.

Redécouvrir la toponymie toulousaine

La rue de la Verge d’Or n’est qu’un exemple parmi tant d’autres de ces rues aux noms singuliers qui méritent qu’on s’y attarde. Les noms de rues sont autant de traces du passé, de témoignages de la vie quotidienne, de souvenirs de métiers oubliés ou d’activités disparues.

À Toulouse, de nombreuses rues portent des noms en lien avec les plantes, les métiers anciens ou les expressions occitanes : rue des Paradoux, rue des Filatiers, rue de la Chaîne, etc. Un simple parcours dans le quartier Arnaud-Bernard peut se transformer en véritable voyage dans le temps.

Pour en savoir plus sur la Rue de la Verge d’Or :

• Archives municipales de Toulouse
• Wikipedia solidago