Il y a des images qui restent en mémoire bien après que le générique soit passé. En tant que photographe, je me suis souvent demandé pourquoi certains films me touchaient plus que d’autres. Avec les films sur l’espace, la réponse m’a toujours semblé évidente : le silence, l’immensité, la fragilité humaine au milieu du vide… autant de thèmes visuels et émotionnels qui résonnent avec ma pratique de l’image. Photographier, c’est parfois chercher ce même vertige intérieur, cette impression d’être minuscule face à plus grand que soi.
Dans ces films, il n’y a pas que des fusées et des combinaisons. Il y a une lumière crue, sans atmosphère pour la diffuser. Des ombres absolues. Des horizons qui ne connaissent ni routes ni frontières. Dans le noir de l’espace, chaque source lumineuse devient une vérité. Et au cœur de ces décors infinis, un visage sous un casque devient le dernier point d’ancrage de notre humanité. C’est précisément cet équilibre fragile entre gigantisme cosmique et intimité humaine qui m’inspire, encore aujourd’hui, lorsque je cadre une silhouette dans un paysage ou que je compose une image minimaliste.
J’ai vu chacun des films qui suivent, parfois plusieurs fois. Non pas comme un cinéphile collectionnant les œuvres, mais comme un photographe cherchant la trace de l’invisible : une émotion, une tension, un silence. De Méliès à Nolan, du noir et blanc muet aux chefs-d’œuvre numériques, je vous propose de traverser plus d’un siècle de cinéma spatial, à travers les images qui m’ont frappé, les visages qui m’ont hanté, et les silences qui m’ont inspiré.

1902 – Le Voyage dans la Lune

- Réalisateur : Georges Méliès
- Genre : Science-fiction / Film muet
- Durée : 14 minutes
Je revois encore l’obus s’enfoncer dans l’œil de la Lune. Cette image, presque naïve aujourd’hui, reste l’une des plus marquantes de l’histoire du cinéma. Dans ce court film, le Professeur Barbenfouillis (interprété par Georges Méliès lui-même) dirige une expédition improbable vers la Lune.
Avec ses décors peints et ses trucages artisanaux, Méliès ne cherche pas le réalisme : il crée un rêve. C’est une photographie de théâtre, une mise en scène pure, où chaque tableau devient un cliché posé sur une plaque de verre.
Il y a déjà tout ce que j’aime dans l’image : l’audace de montrer l’impossible. La lumière est frontale, les ombres inexistantes, mais le regard y croit. Ce n’est pas l’espace, c’est notre désir d’y aller. Et parfois, en photographie, ce n’est pas la réalité qui compte, mais la volonté de la créer.
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1924 – Aelita, la reine de Mars

- Réalisateur : Yakov Protazanov
- Genre : Science-fiction / Drame muet
- Durée : 1h25
Lorsque l’ingénieur Los (Nikolai Tsereteli) rêve de Mars, ce n’est pas une planète qu’il voit, mais un royaume de lignes géométriques et de costumes anguleux. Aelita (Yuliya Solntseva), reine martienne, apparaît comme une statue vivante, figée dans des décors futuristes inspirés du constructivisme russe. Le film alterne entre Moscou et Mars, entre la dureté du réel et l’abstraction du fantasme.
Ce qui m’a frappé en le regardant, c’est l’utilisation de l’espace — non pas interplanétaire, mais scénique. Les compositions sont centrées, frontales, presque architecturales. On ne cherche pas à imiter le cosmos : on invente un langage visuel. La photographie, parfois, demande la même chose. Non pas reproduire, mais interpréter.
1950 – Destination Moon (Destination… Lune !)

- Réalisateur : Irving Pichel
- Genre : Science-fiction / Aventure
- Durée : 1h31
Bien avant les premiers pas d’Apollo, ce film imagine la conquête lunaire comme une mission privée, menée par l’ingénieur Jim Barnes (John Archer) et le général Thayer (Tom Powers). Ici, plus de fantaisie : tout est technique, documentaire. On parle carburant, pression, trajectoire. C’est un film de calculs et de convictions.
En tant que photographe, ce film m’a rappelé l’importance de la préparation. Voyager dans l’espace, c’est anticiper chaque imprévu. Photographier aussi. On y retrouve une esthétique documentaire : casques, plans rapprochés sur des mains qui vérifient des boulons, fusées dressées comme des cathédrales.
1956 – Forbidden Planet (Planète Interdite)

- Réalisateur : Fred M. Wilcox
- Genre : Science-fiction
- Durée : 1h38
Lorsque j’ai vu Forbidden Planet pour la première fois, je n’ai pas eu l’impression de regarder un simple film de science-fiction. Tout y est théâtral, presque shakespearien. Le commandant Adams (Leslie Nielsen), envoyé sur la planète Altair IV, y découvre le Dr. Morbius (Walter Pidgeon) et sa fille Altaira (Anne Francis), isolés dans un monde abandonné par une civilisation disparue, les Krell. Mais ce n’est pas le décor qui marque le plus : c’est ce vide silencieux, ce sentiment de civilisation éteinte, où chaque architecture gigantesque semble photographiée dans un silence éternel.
Visuellement, ce film m’a appris l’importance de la symétrie et du vide. Les cadres sont larges, parfois vides d’humains, comme pour rappeler que l’homme n’est qu’un visiteur. La photographie, parfois, doit accepter de laisser du vide dans l’image pour que le regard respire. Forbidden Planet n’est pas un film sur les monstres, mais sur l’espace intérieur de l’homme face à l’inconnu.
1968 – La Planète des Singes (Planet of the Apes)

- Réalisateur : Franklin J. Schaffner
- Genre : Science-fiction / Dystopie
- Durée : 1h52
Ce n’est pas un film spatial au sens strict, et pourtant, c’est l’un de ceux qui m’ont le plus fait réfléchir à notre place dans l’univers. Le colonel George Taylor (Charlton Heston), astronaute en quête de sens, se réveille sur une planète apparemment étrangère après un long voyage. Ce qu’il découvre – une civilisation de singes dominants – devient une parabole sur l’humanité. La révélation finale, face à la Statue de la Liberté semi-ensevelie, m’a laissé silencieux.
Ce plan, je le considère comme une photographie parfaite. Un horizon vide, un ciel pâle, un vestige humain. Pas besoin de mots. Tout est dit. En photographie, on parle souvent du pouvoir de l’image seule, sans légende. Ce film en est la démonstration. Plus que de la science-fiction, c’est un miroir tendu à notre espèce.
1968 – 2001 : L’Odyssée de l’Espace

- Réalisateur : Stanley Kubrick
- Genre : Science-fiction / Space-opéra philosophique
- Durée : 2h29
Je ne peux pas parler de cinéma spatial sans évoquer le choc visuel de 2001. Chaque visionnage me donne l’impression de découvrir un nouveau film. L’évolution humaine, le voyage vers Jupiter, HAL 9000, cette intelligence artificielle défaillante… tout y est construit comme une fresque métaphysique. Dave Bowman (Keir Dullea) et Frank Poole (Gary Lockwood) ne sont pas des héros : ils sont des fragments d’humanité perdus dans l’infini.
Mais ce qui me fascine le plus, en tant que photographe, ce sont les silences. Kubrick filme l’espace comme un abîme. Pas de musique lyrique permanente, pas de dialogue envahissant. Juste le souffle dans le casque. Chaque plan est composé comme une photographie de musée : cercle parfait de la station, alignement des vaisseaux, éclats de lumière dans le noir absolu. Si je devais enseigner le minimalisme en photographie, je montrerais des images de 2001. L’immensité n’a besoin de rien. Ni textes, ni bruit. Juste une présence.
1972 – Solaris

- Réalisateur : Andreï Tarkovski
- Genre : Science-fiction métaphysique
- Durée : 2h47
Contrairement à 2001, Solaris ne s’intéresse pas au cosmos, mais à l’âme humaine. Kris Kelvin (Donatas Banionis), psychologue envoyé sur une station orbitale au-dessus de la planète Solaris, y affronte les matérialisations de ses souvenirs, notamment Hari (Natalya Bondarchuk), son amour défunto revenu sous une forme incompréhensible. Ici, l’espace n’est plus un territoire à conquérir, mais un miroir intérieur.
Tarkovski filme le temps. Longs plans, lenteur, contemplation. Ce film m’a appris à ne pas craindre le silence dans une image. La caméra flotte, les visages sont immobiles, le cadre respire. C’est l’opposé du spectaculaire hollywoodien : un espace intérieur, presque spirituel. Solaris est le seul film spatial qui, parfois, me donne l’envie de poser l’appareil photo et de simplement regarder.
Star Wars (à partir de 1977)

- Réalisateur emblématique : George Lucas (puis Irvin Kershner, Richard Marquand, J.J. Abrams, Rian Johnson)
- Genre : Space opera, aventure
- Durée moyenne : Entre 2h et 2h20 par film
Je ne pouvais pas aborder les films sur l’espace sans évoquer Star Wars. Ce n’est pas seulement une saga, c’est un mythe moderne qui a façonné notre imaginaire visuel du cosmos. J’ai grandi avec les plans d’ouverture en texte déroulant, les vaisseaux qui surgissent au-dessus de l’écran et ce contraste permanent entre l’immensité noire de l’espace et les éclats lumineux des sabres laser.
L’histoire de la saga suit la chute et la rédemption d’Anakin Skywalker devenu Dark Vador, la lutte de Luke Skywalker (Mark Hamill), la détermination de Leia Organa (Carrie Fisher) et l’arrogance de Han Solo (Harrison Ford). Plus tard, Rey (Daisy Ridley) et Kylo Ren (Adam Driver) prennent le relais, prolongeant ce combat entre filiation, pouvoir et destinée.
Visuellement, chaque trilogie marque une époque. La première, plus brute, mélange maquettes et décors réels avec une lumière très contrastée. La prélogie introduit des environnements numériques, presque picturaux. La postlogie revient à un mélange entre réalisme et nostalgie.
Ce qui m’a toujours marqué, c’est la manière dont Star Wars utilise la lumière comme symbole moral : le clair-obscur de Vador, les couchers de soleil jumeaux de Tatooine, ou les silhouettes en contre-jour dans les temples Jedi. C’est une saga qui a prouvé qu’avant d’être une technologie, l’espace est un décor spirituel.
Alien & Prometheus (à partir de 1979)

- Réalisateur emblématique : Ridley Scott (puis James Cameron, David Fincher, Jean-Pierre Jeunet, Ridley Scott à nouveau pour Prometheus)
- Genre : Science-fiction, horreur, thriller spatial
- Durée moyenne : Environ 2h
L’univers d’Alien m’a toujours fasciné pour une raison simple : ici, l’espace n’est pas un rêve, c’est un cauchemar. Le premier film de Ridley Scott est une oeuvre de claustrophobie, où le Nostromo dérive dans un silence métallique. L’équipage, mené par Ellen Ripley (Sigourney Weaver), découvre une forme de vie inconnue, l’Alien, une créature qui surgit du noir et transforme le vide en menace permanente.
Aliens de James Cameron amplifie la dimension guerrière, tandis que Alien 3 et Alien Resurrection prolongent la solitude de Ripley. Prometheus et Alien: Covenant reviennent aux origines et posent une question métaphysique : si quelque chose nous a créés, étions-nous destinés à disparaître ?
Ce qui me touche, c’est cette esthétique industrielle : tuyauteries sombres, volutes de vapeur, lumières d’alarme rouges. Chaque plan semble pensé pour cacher ce que l’œil redoute. Rarement un film n’aura si bien utilisé le hors-champ.
Photographiquement, Alien m’a appris que le noir est une couleur, que la suggestion est plus forte que la démonstration, et que le contraste le plus glaçant n’est pas toujours celui de la lumière, mais celui du silence.
1982 – E.T. l’Extraterrestre
- Réalisateur : Steven Spielberg
- Genre : Science-fiction
- Durée : 1h55

Même s’il ne se déroule pratiquement pas dans l’espace, E.T. est un film essentiel pour comprendre la fascination humaine envers l’inconnu. Je me souviens de la première fois où j’ai vu le vélo s’élever devant la lune : cette image reste l’un des plans les plus iconiques de l’histoire du cinéma, presque une photographie parfaite.
Spielberg filme l’extraterrestre non pas comme une menace, mais comme une rencontre intime. Tout repose sur la lumière : des contre-jours dorés dans la forêt, des halos bleutés dans la nuit, des silhouettes dans des brumes artificielles. C’est une leçon de photographie narrative : la lumière y devient un langage émotionnel.
E.T. démontre que l’imaginaire spatial n’est pas qu’une question de fusées, mais de regard. Les ombres, les silhouettes et les backlights créent une poésie simple qui inspire encore les portraitistes et les photographes de scène.
1983 – The Right Stuff (L’Étoffe des héros)

- Réalisateur : Philip Kaufman
- Genre : Drame historique / Spatial
- Durée : 3h13
Ce film raconte l’histoire réelle des pionniers du programme Mercury de la NASA, parmi lesquels Chuck Yeager (Sam Shepard) et John Glenn (Ed Harris). Contrairement aux fictions futuristes, ce film célèbre les débuts de l’aviation supersonique et les premiers pas vers l’espace. Ce que j’y ai trouvé, ce n’est pas du spectaculaire, mais du courage brut. Pas de vaisseaux lisses ni d’intelligences artificielles : juste des pilotes, seuls dans des capsules instables, confiants en une plaque de métal et un compte à rebours.
Visuellement, ce film respire l’Amérique des années 50 : désert, ciel immense, silhouettes humaines à contre-jour. Ce sont précisément ces cadres larges, ces horizons incandescents, qui m’ont rappelé la photographie documentaire. L’espace n’a pas encore commencé, mais il se devine déjà au bord du ciel. The Right Stuff est peut-être le plus terrestre des films spatiaux, mais il en porte le vertige.
1995 – Apollo 13

- Réalisateur : Ron Howard
- Genre : Drame spatial / Historique
- Durée : 2h20
« Houston, we have a problem. » Cette réplique, Jim Lovell (Tom Hanks) ne la prononce pas comme un héros. Il la dit avec la voix de quelqu’un qui comprend que tout peut s’arrêter. Avec Fred Haise (Bill Paxton) et Jack Swigert (Kevin Bacon), il se retrouve isolé dans un vaisseau meurtri, à des centaines de milliers de kilomètres de la Terre, sans certitude de retour.
Ce film n’est pas une épopée, c’est un sauvetage silencieux. Ce qui m’a marqué, c’est l’absence de musique dans certains plans, le simple bruit des ventilations, la condensation sur un hublot. L’espace est une chambre froide. Une photographie sans lumière. Les visages sont bleus, blafards, éclairés par des écrans. Apollo 13 m’a rappelé qu’une photo ne doit pas toujours être belle. Elle peut être vraie. Et dans ce vide, la Terre apparaît soudain comme une lueur fragile.
1997 – Contact

- Réalisateur : Robert Zemeckis
- Genre : Science-fiction / Drame philosophique
- Durée : 2h30
Ce film, je l’ai d’abord vu pour son thème : la rencontre extraterrestre. Je l’ai revu pour son humanité. Ellie Arroway (Jodie Foster), scientifique orpheline, consacre sa vie à l’écoute du ciel, en quête d’un signal. Quand il arrive enfin, ce n’est pas l’espace qu’elle affronte, mais le doute, la foi, la solitude.
Visuellement, Contact est fascinant par son réalisme. Pas de nébuleuses flamboyantes, mais de longues antennes paraboliques tournées vers le ciel. Le véritable espace du film, ce n’est pas le cosmos : c’est un visage humain face à l’invisible. Je me souviens de ce plan où Ellie regarde le ciel, seule, silhouette minuscule dans l’immensité du désert. C’est une photographie intérieure.
1998 – Armageddon

- Réalisateur : Michael Bay
- Genre : Action / Catastrophe spatiale
- Durée : 2h31
Je ne mentirai pas : Armageddon est probablement le film le plus éloigné de ma sensibilité photographique. Explosions, pathos, montage frénétique. Et pourtant, il fait partie des films que l’on ne peut pas ignorer. Harry Stamper (Bruce Willis), foreur de pétrole, part détruire un astéroïde pour sauver la Terre, accompagné de son équipe, notamment A.J. Frost (Ben Affleck).
Ce n’est pas l’espace que montre ce film, mais l’héroïsme populaire. Pourtant, même ici, quelques plans m’ont marqué : une silhouette contre le soleil, une déchirure dans le ciel, un sacrifice dans le vide. Même le cinéma le plus bruyant laisse parfois place à une image silencieuse. Et celle-là, je la retiens.
2001 – Mission to Mars

- Réalisateur : Brian De Palma
- Genre : Science-fiction
- Durée : 1h44
Mission to Mars, réalisé par Brian De Palma, divise souvent le public, mais visuellement, c’est une œuvre marquante. Le film propose une vision contemplative de la conquête martienne, où chaque plan cherche davantage à impressionner qu’à expliquer. Certains plans larges sur le désert martien évoquent la peinture plus que la science-fiction.
Les couleurs dominantes – ocres, oranges, rouges – composent une palette presque monochrome, magnifiée par des mouvements de caméra très fluides. On sent le désir de filmer l’espace comme un désert spirituel.
Ce film est une invitation à travailler la monochromie, à utiliser une couleur comme fil conducteur narratif. Les scènes de tempête martienne, par exemple, sont une étude du mouvement et du flou dirigé.
2007 – Sunshine

- Réalisateur : Danny Boyle
- Genre : Science-fiction psychologique
- Durée : 1h47
Avec Sunshine, j’ai eu l’impression de regarder un poème solaire. L’équipage du vaisseau Icarus II, mené par Capa (Cillian Murphy), s’approche du Soleil pour le « rallumer ». Le scénario pourrait sembler impossible, mais ce n’est pas la science qui est au centre : c’est la fascination pour la lumière. Jamais un film n’a filmé le Soleil avec une telle obsession. Cette lumière blanche, brûlante, qui rend fou.
Photographiquement, Sunshine est une leçon sur l’excès. Les surexpositions, les halos, les visages fondus dans le flux lumineux. En photo, on apprend à contrôler la lumière. Sunshine enseigne qu’on peut aussi s’y abandonner. La scène où Capa observe le Soleil à 3,1 % d’intensité… Ce n’est pas une donnée technique. C’est une extase visuelle. Si l’espace est le silence, le Soleil en est le cri.
2009 – Moon

- Réalisateur : Duncan Jones
- Genre : Science-fiction psychologique
- Durée : 1h37
Je me souviens de Sam Bell (Sam Rockwell), seul sur la base lunaire Sarang, chargé de superviser des machines d’extraction d’hélium-3. Trois ans d’isolement. Puis, un accident, un double, une vérité impossible. Ce film ne montre pas l’espace. Il montre la solitude.
Les couloirs blancs, les cadres fixes, les visages fatigués : Moon est un exercice de dépouillement visuel. Aucune musique héroïque, seulement un homme face à lui-même. Ce film m’a appris que l’espace le plus effrayant n’est pas au-dessus de nous, mais à l’intérieur. Photographier une solitude, c’est cela : cadrer un visage dans un espace trop grand.
Avatar (à partir de 2009)

- Réalisateur : James Cameron
- Genre : Science-fiction, aventure
- Durée moyenne : 2h40
Avec Avatar, James Cameron a redéfini ce que le cinéma spatial pouvait être : non plus l’exploration du vide, mais l’immersion dans un monde vivant. Sur Pandora, je n’ai pas vu de l’espace, j’ai vu une bioluminescence, des forêts respirantes, des montagnes flottantes.
L’histoire suit Jake Sully (Sam Worthington), un ancien soldat paraplégique qui intègre un corps Na’vi et rencontre Neytiri (Zoe Saldana). Ce récit d’initiation questionne notre regard sur l’altérité et notre rapport à la nature. Ce n’est pas une conquête spatiale, c’est une reconquête intérieure.
Photographiquement, Avatar est une orgie de matières : la peau translucide des Na’vi, les bulles de spores en suspension, les nuits bleues traversées par des insectes-lucioles. Cameron ne filme pas la lumière, il filme son absence et son apparition.
Ce film m’a rappelé que le réel peut sembler fade si l’on oublie d’y projeter ses propres couleurs. Photographier, parfois, c’est tenter de retrouver Pandora.
2013 – Gravity

- Réalisateur : Alfonso Cuarón
- Genre : Thriller spatial
- Durée : 1h31
Je n’oublierai jamais mon premier visionnage de Gravity. Au-delà de l’histoire, c’est l’expérience sensorielle qui m’a marqué. Le docteur Ryan Stone (Sandra Bullock) dérive dans le vide, sans son, sans repère, sans haut ni bas. Aucun autre film n’a filmé l’espace avec autant de réalisme. Ce silence total, ce souffle dans le casque, ce roulis interminable… On ressent physiquement le vertige.
D’un point de vue photographique, Gravity est un ballet de lignes. Le vide y devient matière. Les mouvements circulaires rappellent les longs filés en pause lente. Pas de découpe, pas de montage brutal. Tout est fluide, presque hypnotique. C’est un rappel brutal : dans le vide, l’œil n’a plus de repère. Comme en photo, sans horizon, tout devient abstraction.
2014 – Interstellar

- Réalisateur : Christopher Nolan
- Genre : Space opera / Drame scientifique
- Durée : 2h49
Interstellar n’est pas un simple voyage spatial. C’est une traversée du temps, de l’amour et de la mémoire. Joseph Cooper (Matthew McConaughey) quitte sa fille Murph pour chercher un refuge pour l’humanité. Ce n’est pas l’espace qu’il affronte, c’est l’absence.
Visuellement, j’ai été bouleversé par la cohérence scientifique des images. Le trou noir Gargantua, les planètes aux reflets liquides, les horizons déformés par la gravité. Jamais la relativité d’Einstein n’a été aussi poétique. En photographie, on parle de la « distorsion de perspective ». Ici, Nolan distord le temps. Et pourtant, tout sonne vrai. Ce film m’a appris que la technique peut servir l’émotion, sans jamais l’étouffer.
2015 – Seul sur Mars (The Martian)

- Réalisateur : Ridley Scott
- Genre : Aventure / Science-fiction
- Durée : 2h24
Mark Watney (Matt Damon), abandonné sur Mars, cultive des pommes de terre pour survivre. Rien que cette phrase dit l’essence du film : l’espace, ce n’est pas l’épique… c’est la débrouille. L’ironie, l’humour, la méthode. C’est peut-être le film spatial le plus joyeux que j’ai vu. Pas parce que tout va bien, mais parce qu’il montre l’instinct de vie.
Photographiquement, Mars est filmée comme un désert ocre, immense et granuleux. Des paysages qui rappellent les terres volcaniques d’Islande ou les dunes marocaines. Ce rouge, trop rouge pour être terrestre, mais assez plausible pour être crédible. Ce film m’a rappelé une chose essentielle : en photo, le décor peut devenir un personnage. Ici, Mars n’est pas le danger. C’est le cadre.
2016 – Passengers

- Réalisateur : Morten Tyldum
- Genre : Science-fiction / Drame romantique
- Durée : 1h56
Passengers raconte l’éveil prématuré de Jim Preston (Chris Pratt) et d’Aurora Lane (Jennifer Lawrence) à bord d’un vaisseau-habitation en route vers une planète lointaine. Le film joue sur le contraste entre le luxe aseptisé du vaisseau et la solitude absolue de ses deux protagonistes ; l’androïde Arthur (Michael Sheen) et d’autres personnages secondaires (Laurence Fishburne) complètent cette toile.
Visuellement, Passengers m’intéresse pour son travail sur la lumière artificielle — éclairages latéraux doux, néons, reflets sur surfaces métallisées — qui racontent l’isolement plutôt que l’émerveillement. Cadrer l’intimité dans un décor de science-fiction devient ici un exercice sur la balance des blancs et sur la manière dont la lumière crée la chaleur humaine.
2018 – First Man

- Réalisateur : Damien Chazelle
- Genre : Biopic spatial
- Durée : 2h21
Je ne m’attendais pas à ce que First Man me touche autant. Neil Armstrong (Ryan Gosling) n’y est pas un héros conquérant, mais un homme taiseux, hanté par la perte. Ce film ne parle pas de l’exploit, mais du silence intérieur. Le moment où il pose le pied sur la Lune n’est pas célébré… il est murmuré.
Visuellement, le film est un manifeste du grain. Caméra portée, textures crues, flous fugitifs. La mission Apollo 11 y apparaît comme un souvenir plus qu’un exploit. Comme une vieille photographie retrouvée dans une boîte métallique. J’y ai vu une leçon précieuse : même l’histoire la plus connue peut être racontée en intimité, par le détail plutôt que par le symbole.
2019 – Ad Astra

- Réalisateur : James Gray
- Genre : Drame psychologique spatial
- Durée : 2h03
Ad Astra est probablement le film spatial le plus introspectif de ces dernières années. Roy McBride (Brad Pitt) traverse le système solaire pour retrouver son père, Clifford (Tommy Lee Jones), disparu aux confins du vide. Ce n’est pas une mission : c’est une psychanalyse cosmique.
Tout y est lent, presque suspendu. L’espace n’est plus un décor, c’est une métaphore. La lumière est froide, bleutée, presque clinique. En photographie, on parle de « tonalité émotionnelle ». Ici, chaque couleur exprime la solitude. Ce film m’a rappelé que parfois, on ne photographie pas ce qu’on voit, mais ce que l’on ressent.
2019 – Proxima

- Réalisatrice : Alice Winocour
- Genre : Drame spatial
- Durée : 1h47
Proxima est sans doute le film spatial le plus terrestre que j’ai vu. Sarah Loreau (Eva Green), astronaute française, s’entraîne pour une mission vers la Station Spatiale Internationale tout en essayant de rester mère. Pas de vaisseau fantôme, pas de planète inconnue. Juste une femme qui s’arrache à la gravité… intérieure.
Le choix esthétique est remarquable : pas de spectaculaire, beaucoup de lumière naturelle, des cadrages serrés. Les contrastes entre les centres d’entraînement et les moments intimes rappellent le travail documentaire. Ce film m’a rappelé que la préparation est parfois plus violente que le voyage lui-même.
2019 – Aniara

- Réalisateur : Pella Kagerman & Hugo Lilja
- Genre : Science-fiction philosophique
- Durée : 1h46
Aniara, film suédois passé inaperçu du grand public, m’a glacé. Un vaisseau transportant des colons vers Mars dévie de sa trajectoire. Sans retour possible, les passagers doivent accepter une vérité insoutenable : ils erreront pour toujours dans le vide. Pas de héros, pas de mission. Juste le temps. L’interminable.
Visuellement, c’est un huis clos blanc, clinique, presque aseptisé. On y voit l’effritement psychique comme un lent effacement lumineux. Ce film m’a rappelé une vérité dure : dans l’espace, la pire menace n’est pas l’inconnu… c’est l’infini.
Photographie : Quand la lumière de l’espace devient narration
À travers tous ces films, j’ai compris que dans l’espace, la lumière n’éclaire pas… elle raconte. Chaque faisceau, chaque ombre, chaque halo devient un langage silencieux.
- Dans Gravity, la lumière blanche est une agression, celle de la réalité brute.
- Dans Interstellar, elle fluctue, comme le temps lui-même.
- Dans Moon, elle s’éteint pour laisser parler la solitude.
- Dans Sunshine, elle consume, obsessionnelle, divine.
En photographie, nous parlons souvent d’“exposition”. Mais ces films m’ont appris que la lumière n’est pas seulement une donnée technique : c’est une intention. Sous-exposer pour suggérer, surexposer pour déréaliser, contre-jour pour révéler ce qui ne se voit pas. Photographier l’espace, même en fiction, c’est accepter que le noir et le blanc ne s’opposent pas : ils dialoguent.
Conclusion : L’Espace infini comme moteur de curiosité
Je n’ai jamais voyagé dans l’espace, mais je crois y être allé mille fois à travers ces films. Loin des exploits héroïques, chacun raconte la même quête essentielle : comprendre notre place. L’espace n’est pas un décor, c’est un miroir. Il nous confronte à nos peurs, nos solitudes, nos espoirs.
Comme dans les films sur les photographes que j’ai déjà évoqués, ces récits ne parlent pas seulement d’ailleurs, mais de nous. Les astronautes questionnent le vide comme les artistes questionnent la lumière. Et à l’image des films sur les phénomènes météorologiques, où le ciel se déchaîne ou se tait, le cosmos rappelle que nous sommes minuscules face à l’invisible.
En tant que photographe, je ressens la même chose chaque fois que je lève les yeux vers la nuit. Cet horizon sans fin qui défie la raison. Cette curiosité qui naît du silence. Peut-être que, comme ces héros de fiction, nous ne cherchons pas à fuir la Terre, mais à mieux la contempler.
Capturer une image, c’est déjà partir. Ouvrir un film spatial, c’est embarquer. Et si je poursuis ces voyages de cinéma, ce n’est pas pour comprendre l’univers… mais pour ne jamais cesser de m’en émerveiller.

















