A Toulouse comme ailleurs, les manifestations contre la réforme des retraites se succèdent. La moyenne d’âge des cortèges semble rajeunir. Les étudiants et les lycéens viennent remplacer leurs parents qui travaillent et ne peuvent pas faire grève toutes les semaines.
TOUT le monde, les manifestants, les syndicats demande le retrait de la réforme des retraites. Même si certains espère que le Conseil Constitutionnel viendra clore l’épisode, certains s’inquiètent déjà de la suite. Comment faire quand en face des manifestants le gouvernement se montre sourd et lance des petites phrases provocatrices ?
Les black-blocs peuvent ils faire plier le gouvernement ou ne risquent ils pas de masquer les revendications des manifestants ?
10 jours entre 2 manifestations contre la réforme des retraites
La stratégie de l’intersyndicale contre la réforme des retraites
Jusqu’à présent, l’intersyndicale a toujours fait en sorte de mobiliser les manifestants lors des journées importantes dans l’une des 2 chambres, que ce soit à l’Assemblée Nationale ou au Sénat ou même lors de la commission mixte paritaire. Cela permettaient de mettre une forme de pression sur les élus en train de débattre.
Mais depuis le rejet de la motion de censure, il ne reste aux syndicats qu’à la réponse du Conseil Constitutionnel. Les syndicats refusent de relâcher la pression qui reste cependant très ponctuelle. Libre aux instances locales de faire grève tous les jours ou seulement à certains moments.
Les leaders des différents syndicats demandent encore et toujours une pause et de pouvoir discuter avec Macron ou sa Première Ministre.
À cela s’ajoute la superposition des calendriers. En effet, Philippe Martinez arrivait à la fin de son mandat. Après une semaine de congrès, les 2 candidates à la succession du leader à la moustache ont été devancées par Sophie Binet. La nouvelle secrétaire générale de la CGT aura la difficile tâche de réunir les différents mouvements au sein de la CGT dans une période de mobilisation inédite.
Le gouvernement aurait pu espérer profiter des discordes liées à la nomination de Sophie Binet à la tête de la CGT, mais son profil laisse à penser que ce ne sera pas le cas. Pire, elle demande le retrait total de la réforme des retraites.
La stratégie du gouvernement face à l’opposition à la réforme
Depuis le début les gouvernement, les députés et les sénateurs de la majorité campent sur leurs positions, ils se disent ouvert au dialogue. Ils expliquent comprendre la colère des manifestants, mais ne semblent pas entendre la grogne des français. Ils continuent d’étaler leurs éléments de langage, mais plus personne n’est dupe. À court d’arguments réels et sérieux, ils donnent l’impression de s’enfoncer dans leur réforme sans chercher de solution ou d’alternative.
Quand on les entend, on a l’impression d’être stupide ou extrémiste. On a l’impression qu’ils pensent détenir la connaissance et la vérité et que toutes autres pistes d’évolutions ne sont que mensonge, bêtise et complotisme. En s’enfermant dans cette posture, Macron et ses soutiens fracturent la société. Au lieu de réconcilier les français, ils arrivent à rendre la société irréconciliable.
Alors que 75% se disent opposés à la réforme des retraites et alors que 90% des actifs se disent contre le texte, le gouvernement s’enferme dans le « processus démocratique ». Les investisseurs avouent avoir peur de la suite, l’inverse de ce que souhaitait le gouvernement en lançant la réforme des retraites.
Pour tourner la page, le gouvernement via Macron annonce un plan eau pour faire face à la sécheresse qui se profile. Borne de son côté prépare une nouvelle loi travail, pendant que Macron visite la Chine.
Des rencontres et des petites phrases
Une rencontre inutile entre les syndicats et Elisabeth Borne ?
L’intersyndicale a répondu favorablement à la proposition de rencontre d’E.Borne. Cependant, tous les représentants des syndicats ont annoncé qu’ils venaient uniquement pour parler de la réforme des retraites.
La réunion a tourné court. Au bout de seulement 1h, les représentants des syndicats s’affichaient déjà sur le perron de Matignon. Face aux journalistes, chaque secrétaire général prenait la parole pour expliquer comment la réunion avait été vécue. Mais il semble évident que la réunion n’a pas permis d’avancer sur le dossier de la réforme des retraites.
L’opposition refuse de rencontrer la première ministre ?
Contrairement à l’intersyndicale, les groupes d’opposition (LFI/NUPES,) ont fait le choix de refuser de rencontrer E.Borne tant que le projet de réformes des retraites ne sera pas suspendu. Le PS et EELV ont rencontré la première ministre. Ils ont insisté pour demander le retrait de la réforme.
Le président du groupe LIOT, Bertrand Pancher, la députée Rassemblement National (ex FN), Marine Le Pen, et les Républicains ont été reçus par la première ministre. Tous semblent s’accorder sur la nécessité de faire une pause, et de renouer le dialogue avec les syndicats, ou la mise en place d’un référendum.
Le gouvernement multiplie les petites phrases
- Macron : « Qu’on n’aille pas m’expliquer que le pays est à l’arrêt. Ce n’est pas vrai ! »
- Dussopt : « Quelle crise ? Il y a une crise sociale. J’entends parfois qu’il y a une crise politique, une crise démocratique, il n’y a pas de crise démocratique »
- Darmanin : « Vous parlez de la ligue des Droits de l’Homme. Je ne connais pas le montant des subventions de l’État, mais je pense effectivement que ça mérite d’être regardé dans le cadre des actions qu’ils ont pu mener »
- Darmanin : « Oui, quand on dit que les policiers doivent se faire rééduquer mentalement comme le fait Mélenchon, c’est une forme de terreur et de terrorisme intellectuel. »
- Entourage de MAcron : « Si les gens ne voulaient pas des 64 ans, ce n’était pas le président qu’il fallait mettre en tête au premier tour »
LFI sanctionnée à l’Assemblée Nationale ?
Lorsque E.Borne a annoncé utiliser l’article 49.3 pour faire la réforme des retraites à l’Assemblée Nationale, les députés NUPES/LFI se sont levés et ont entonné la Marseillaise. Certains tenaient des pancartes « 64 ans, c’est non ».
À l’unanimité (moins les députés LFI qui se sont abstenus et PS et EELV qui étaient absents), le bureau de l’Assemblée Nationale a sanctionné les députés d’un rappel à l’ordre. Il s’agit là de la sanction la plus légère de l’assemblée nationale, mais elle se révèle hautement symbolique.
La sanction a été définie avant même de connaitre les personnes sanctionnées. Il faudra attendre le résultat des analyses vidéos.
BeMoreFrench, le pouvoir décrédibiliser, les manifestants soutenus à l’étranger
Sur le hashtag #BeMoreFrench de nombreux citoyens d’autres pays soutiennent les français. Ils soutiennent le fait que les français défendent leurs acquis et posent de vraies questions sur l’avenir, sur le partage des richesses. Certains y voient un chemin à suivre, d’autre constatent que les français sont des rebelles face à un gouvernement sourd.
En face le pouvoir, le gouvernement français passe pour un pouvoir totalitaire. Comment Macron peut-il continuer à vouloir donner des leçons à d’autres pays alors qu’avec son gouvernement, il se montre sourd face aux manifestants et passe la réforme des retraites par la force ? Comment le gouvernement peut-il justifier les arrestations nombreuses par la police sans qu’elles en soient suivies de sanctions.
Onzième manifestation contre la réforme des retraites à Toulouse
Des blocages pour commencer la journée à Toulouse
À Toulouse, la onzième journée de mobilisation a commencé par de nombreux blocages sur les grands axes de la Ville Rose. Sur le périphérique, aux sorties de celui-ci, en centre-ville, notamment à proximité du tribunal, des barrages ont été installés par les manifestants.
Pour les toulousains et ceux qui viennent de loin, il aura fallu prendre leur mal en patience pour circuler.
Une mobilisation moindre
On l’a vu précédemment, faire grève représente un cout que tous les manifestants ne peuvent pas supporter le cout des journées de mobilisations. Certains n’ont pas accès aux caisses de grèves qui permettent de pallier l’absence de revenu lors des journées de grèves.
À cela s’ajoute une certaine lassitude ou fatigue face à un gouvernement sourd. Certains manifestants menaçaient de régler le problème dans les urnes lors des prochaines élections, mais certains ont peur que cela ne favorisent le FN.
Enfin, certains manifestants désertent à cause des violences que subissent les cortèges. Que ce soit la faute des casseurs ou la faute des forces de l’ordre, ils ne veulent pas prendre de risque pour leur sécurité. Ils ont peurs de venir manifester.
Cependant, l’intersyndicale annonce la présence de 90’000 manifestants quand la préfecture n’en compte que 15’000.
Les jeunes sont toujours présents dans le cortège
Malgré le retrait de l’idée de rendre le SNU (Service National Universel), les lycéens et les étudiants sont toujours dans la rue contre la réforme des retraites. Toujours très motivés, ils défilent pour la grande majorité regroupé derrière leurs banderoles.
Certains de ces lycéens et étudiants se font remarquer en arrivant à contre-sens face à la manifestation. Heureusement, rapidement, ils changent de sens et donnent le rythme à la manifestation. À Jeanne D’arc, on retrouve les lycéens de Saint-Sernin. Le cortège est bon enfant.
Encore des heurts entre les manifestants et les forces de l’ordre
Une manifestation plus violente
Comme depuis l’annonce de l’utilisation de l’article 49.3 les manifestations sont plus violentes. Des manifestants viennent spécifiquement pour en découdre avec les forces de l’ordre. Ils se retrouvent dans un groupe nommé le black bloc. Quand c’est possible, ils vont chercher l’affrontement avec les forces de l’ordre comme aujourd’hui.
La présence des forces de l’ordre et l’utilisation de la force par celles-ci génèrent des tensions et des violences.
Le Black Bloc cherche à en découdre avec les forces de l’ordre
À plusieurs reprises, le groupe, de moins de 50 personnes, qui compose le Black Bloc se dirige vers des rues dans lesquelles sont stationnés les policiers chargés d’empêcher les manifestants d’aller vers le Capitole. Mais ce n’est qu’après le rond-point d’Arnaud Bernard que le groupe s’étoffe.
Combien sont ils à ce moment ? Difficile de le dire. Il y a une poignée de violents qui viennent casser ou en découdre et il y a les sympathisants qui gravitent autour. Ils ne doivent pas être plus de 400 en tout et un peu moins de 50 violents/casseurs.
Au fond de la petite rue Leonce Castelbou se trouvent un groupe d’agents de police. Des membres du Black Bloc cassent toutes les protections des agences bancaires situées de part et d’autre de la petite rue. Certains se chargent de détruire les distributeurs automatiques de billets. D’autres taguent les murs de slogans anticapitalistes.
Au même moment, derrière une épaisse bâche, une mêlée se forme et prend la direction des forces de l’ordre. Au-dessus des têtes qui se cachent derrière la bâche, un mortier d’artifice est utilisé en direction des agents de police. Autour, de nombreux manifestants encouragent le petit groupe. D’autres s’éloignent, ils ont peur de la réaction des forces de l’ordre.
Soudain un manifestant indique que la BAC arrive derrière le petit groupe. Dans la rue, des grenades lacrymogènes sont lancés. Dans le nuage de fumée, c’est la cohue. Les curieux se mettent à courir. Des manifestants essaient de se protéger du gaz lacrymogène quand d’autres proposent de quoi faire passer le gaz. À l’entrée de la petite rue, c’est la confusion. Certains membres du black bloc se font attraper par les policiers qui distribuent de nombreux coups de matraque et bouclier. D’autres ont pris la fuite et sont déjà loin.
La fin de la manifestation entre feu de poubelles et gaz lacrymogène
Au pied du pont des Catalans, alors que la manifestation touche à sa fin, les observateurs de la LDH et les street-médics s’équipent. Ils mettent leurs casques, leurs masques et leurs lunettes de protection. À côté, un nouveau Black Block s’est formé, ils font face à quelques policiers de la BAC. Mais les policiers, à bonne distance, ne bougent pas. Le cortège n’a pas fini de traverser le pont et un mouvement de foule sur le pont des catalans pourraient se révéler dangereux.
Un peu plus loin, l’animateur installé dans la benne du camion d’un syndicat invite les manifestants à s’éloigner dans le calme. Au loin, sur le pont des catalans, on devine le camion canon à eau et un nombre important de camions de CRS. De l’autre côté, sur la place Saint Cyprien, la foule essaie de s’éloigner. Mais on aperçoit un imposant de fumée noire.
Devant le marché de Saint Cyprien, des poubelles ont été incendiées. Quelques policiers entourent le marché avant d’être rejoint depuis Patte d’Oie par des gendarmes mobiles. Un commissaire explique dans un mégaphone que les derniers manifestants doivent se disperser, sans quoi ils feront usage de la force. Quelques minutes plus tard, des grenades lacrymogènes volent au-dessus des manifestants qui fuient vers les ponts Neuf et Saint-Pierre.
D’autres poubelles sont incendiées. Les manifestants qui tentaient de se replier vers le centre-ville se retrouvent pris en étau. Au pied des ponts les forces de l’ordre ont installé des barrages. Il y a même le deuxième canon à eau.
Les destructions se poursuivent lors des manifestations
La longue liste des destructions du mobilier urbain et des dégâts s’allonge à Toulouse. Heureusement, le soutien à la mobilisation reste important. La manifestation terminée, les restaurateurs et les cafetiers autour de la place Saint Cyprien ressortent leur terrasse.
Mais surtout, ces violences éludent l’objectif de la manifestation. On ne parle plus des raisons des grèves et manifestations, mais on se concentre sur les actes de quelques manifestants et des forces de l’ordre.
Qu’est-ce que le black bloc ?
Le black bloc est un groupe de personnes qui se forme spontanément dans une manifestation pour mener une action généralement violente. Né en Allemagne dans les années 80 pour dénoncer l’évacuation de squatteurs, le black bloc se développe en France lors des manifestations contre la loi travail.
Le black bloc est avant tout un mode d’action. Ce sont des militants politiques avec une méthode d’action violente. Majoritairement de gauche, on trouve en Europe des mouvements « black bloc » dont la tendance politique se trouve à l’extrême droite.
Cependant, ils refusent de mettre sur le même plan la violence qu’ils utilisent et la violence subie par les gens victime du capitalisme et du monde de la finance.
Parfois rejoint par des casseurs venus casser et piller par plaisir
Qui sont les blacks blocs ?
Les personnes qui constituent le black bloc ne se connaissent pas. Ils ont des avis politiques et des objectifs parfois différents. Cependant, on retrouve en leur sein des personnes anticapitalistes. Ils souhaitent par leurs actions généralement violentes dénoncer les abus du capitalisme. C’est pour cela que leurs cibles privilégiées sont les banques et assurances, les multinationales et les grands groupes.
On l’a vu, leurs positions politiques sont diverses, c’est aussi le cas de leurs catégories socioprofessionnelles (CSP).
Quelques meneurs arrivent à se regrouper, s’organiser en amont des manifestations. Les bâches renforcées que l’on voit apparaitre ne sont pas la réalisation d’une seule personne, mais d’un groupe. Cependant, les approcher et intégrer est très difficile même pour les participants au black bloc.
Avec un équipement léger par rapport aux CRS et autres gendarmes mobiles, les individus qui composent le black bloc, se révèlent très mobiles et agiles. Ils peuvent rapidement se fondre dans la foule. Sans leader désigné, ils se montrent très imprévisibles.
Un message que personne n’entend et des violences qui masquent les revendications
Par leurs actions, le message du black bloc n’est que très rarement entendu. Cependant, le black bloc fait peur et peut faire basculer un gouvernement.
Les actions violentes ont cependant tendances à éluder les revendications des autres manifestants, des syndicats. On ne parle plus de l’action des manifestants, mais des casseurs et des violences, du cout que cela engendre et des victimes notamment du côté des forces de l’ordre. Combien de JT et autres médias ne parlent que des actions violentes. Ils passent sous silence les revendications où les repoussent à des moments moins lus, entendus ou vus.
Le Black Bloc difficile voir impossible à photographier !
Malgré leur tenue toute noire, leurs masques ou leurs cagoules, les participants au black bloc sont difficiles à photographier. Tous les participants au black bloc craignent que les photos puissent être utilisées pour les identifier à postériori. Ils savent dès le début de la manifestation pourquoi ils sont venus. Pour éviter d’être identifié, de nombreux participants au Black bloc ne prennent pas leur smartphone avec eux.
Autour du black bloc gravite des personnes qui se chargent d’interdire les prises de vues, comme il y a ceux qui viennent casser les symboles capitalistes, ou préparer les projectiles qui sont lancés sur les forces de l’ordre.
Dans le groupe, sous les masques et les cagoules, on devine la présence de manifestants particulièrement jeunes. Tout juste en âge d’aller au lycée, ils viennent vivre de l’intérieur ce qu’ils voient à la TV. Pour eux, il ne s’agit pas d’une manifestation, mais d’un jeu. Lancer quelques projectiles, balancer quelques insultes et partir en courant à la moindre réaction des forces de l’ordre.
La longue attente de l’avis du Conseil Constitutionnel
Il faut encore attendre jusqu’au 14 avril que le Conseil Constitutionnel rende ses décisions au sujet de la réforme des retraites.
Il peut rejeter un ou plusieurs articles ou la totalité du texte qui a été voté en commission mixte paritaire. Les parlementaires d’opposition souhaitent notamment que le Conseil Constitutionnel se prononce sur l’utilisation d’un recours à un budget rectificatif de la Sécurité sociale et sur la contrainte du temps de débat en utilisant l’article 47.1 de la Constitution.
Le Conseil Constitutionnel doit aussi se prononcer sur la demande de RIP (Référendum d’Initiative Partagée).
Pour mettre la pression sur le Conseil Constitutionnel, l’intersyndicale organise une nouvelle journée de mobilisation le 13 avril.