Après le sénateur LR Jean-Pierre Grand en décembre 2019, un groupe de députés emmené par Eric Ciotti (LR) cherche à faire voter une loi contre la diffusion de photos laissant apparaitre le visage des forces de l’ordre. Ces propositions de loi ou d’amendement cibles notamment les photos qui sont réalisées lors des manifestations.
Après les manifestations contre la loi travail et plus récemment avec les gilets jaunes de nombreuses photos de manifestations circulent. La présence des forces de l’ordre est régulièrement documentée par des photographes et des vidéastes. Parmi eux on compte de nombreux photojournalistes et quelques « journalistes citoyens ».
Que dit la loi ?
Actuellement la loi explique que n’importe qui peut photographier ou filmer les forces de l’ordre sur la voie publique. La carte de presse n’est pas indispensable pour cela. (Voir article complet : photographier les forces de l’ordre en manifestation)
Seuls certains agents ne peuvent être pris en photos sans dispositif de floutage ou en anonymisant leur identité.
Des arguments en faveur du floutage des forces de l’ordre
« Nos élus » justifient ces projets de modification de la loi en expliquant que l’image des forces de l’ordre circule sur internet. Certains policiers ou gendarmes, leurs familles auraient subit du harcèlement du à leur fonction. (voir la proposition de loi). Ils souhaitent lutter contre le climat d’insécurité qui plane au dessus des forces de l’ordre.
Cette proposition de loi va dans le sens de l’un des principaux syndicats de police le Syndicat Alliance. En 2018 ce syndicat avait déjà sollicité Christophe Castaner sur le sujet.
Ce syndicat s’attaque régulièrement à la liberté de la presse et dénigre régulièrement le travail des journalistes. Il n’hésite pas à cibler des journalistes dont il remet en question la qualité. Le syndicat oublie comme de nombreux policiers qu’un journaliste n’a pas besoin d’une carte de presse pour être journaliste.
Les députés souhaitent avec cette loi lutter contre le « policier bashing ». Il existe des applications, des groupes facebook et autres espaces de discussions qui selon les députés stigmatisent les forces de l’ordre. Mais une telle loi permettrait de lutter contre les organisations citoyennes qui dénoncent les violences policières.
Les policiers interviennent de plus en plus souvent cagoulés. Ils oublient notamment en manifestation de rendre le RIO (référentiel des identités et de l’organisation, un matricule à 7 chiffres) visible. Dans certains pays l’équivalent du RIO est inscrit sur les vêtements du policier et sont bien plus visible que le « timbre poste illisible » que portent les agents français.
Des sanctions fortes
Cette propositions de loi souhaite interdire la diffusion de photos et vidéos sur tous supports l’image des forces de l’ordre.
Afin de sanctionner ceux qui diffuseraient des photos ou des vidéos non floutées, la loi prévoit une amende de 15’000€ et 1 an de prison. Le groupe d’élus prévoit avec une peine plancher de 10’000€ et d’une peine de prison de 6 mois.
Combien d’agents ont subit menaces, harcèlement, insultes ou violence après une photo ?
Difficile de trouver un chiffre indiquant que des agents des forces de l’ordre ont subit du harcèlement, des insultes ou des violences à la suite de photos. Il ne fait pourtant aucun doute que si cela avait été réellement le cas nous en aurions longuement entendu parler.
Il parait bien plus simple de faire circuler une liste contenant nom et adresse des agents que d’aller identifier des personnes à partir de photos.
Les agressions de policiers ou de gendarmes semblent relativement fréquentes mais la cause ne revient pas à une photo diffusée dans la presse ou sur internet. Dans la presse on peut retrouver traces de 2 types d’agressions, les coups du sort (l’agresseur ne connait pas le statut de sa victime) ou les représailles (l’agresseur connait sa victime après une intervention de celle ci).
Il existe quelques photos qui pointent du doigts certains agents mais cela fait suite à des « violences policières ». A force de voir les forces de l’ordre rarement sanctionnées certains veulent faire justice eux même.
Les journalistes contre ces modifications
Bien sur les journalistes s’opposent à ces modifications. Les conflits se succèdent et les relations entre la presse et les forces de l’ordre se dégradent de plus en plus. Régulièrement les photographes se voient confisquer leur matériel. Certains se font régulièrement prendre à parti ou placés en garde en vue etc.
L’obligation de flouter les visages des forces de l’ordre remettrait notamment en question la possibilité de diffuser des informations en direct. Les journalistes citoyens qui diffusent en direct (donc sans montages) ne pourraient plus agir.
Cela constituerait un important recul de la liberté d’informer et remettrait en question de nombreuses formes de journalismes. En Iran le gouvernement interdit de photographier les forces de l’ordre et les militaires. La France serait elle en train de tomber aussi bas que la République islamique ?
Une loi pour cacher les violences policières ?
A l’heure où certains disent avoir peur de la police cette loi enverraient un message très négatif à la population. Elle creuserait un peu plus le fossé qui sépare les forces de l’ordre et les citoyens. De nombreux français dénoncent régulièrement les actions policières. Malheureusement les plaintes contre les forces de l’ordre aboutissent rarement tandis que les plaintes des forces de l’ordre semblent traitées bien plus rapidement.
Des abus en perspectives ?
Alors que les policiers abusent de leur position pour s’attaquer à ceux qui les filment ou les photographient, une telle loi leur donnerait un peu plus de légitimité pour réduire au silence les journalistes, les blogueurs et autres journalistes citoyens.
Pour les citoyens, pour des associations cette proposition de loi inquiète. Sans la présence des journalistes lors des manifestations comment montrer au Monde les actions policières et notamment les violence policières. Les enquêtes pour violence policière semblent le plus souvent piétiner voir être classées. Ce n’est pourtant pas la faute des journalistes qui documentent ces violences. Avec cette proposition de loi cela permettrait de classer les enquêtes pour violences policières plus facilement.
Au lieu d’interdire la diffusion de photos de policiers il faut certainement se poser d’autres questions bien plus importantes au yeux de tous sur l’encadrement des interventions policières. Le rôle de l’IGPN interroge tout autant notamment sur les enquêtes pour violences policières. Enfin le rôle de la justice questionne quand il s’agit de policiers ou de gendarmes.