Interview de Maxime Reynié Photographe de Manifestation

Toujours en vadrouille, Maxime Reynié a pris le temps de répondre à mes questions entre ses cours à Carcassonne, son stage à "Le Monde" et ses différents reportages. Il nous parle de ses expériences sur le terrain et de l'évolution de sa pratique de la photographie.

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A travers mon travail de photographe de presse, j’ai été confronté à différentes situations nécessitant une rapide adaptation avec parfois de l’editing directement sur le terrain. La couverture de mouvements sociaux violents et meetings politique ont pour cela été très formateur.

Suite aux violents hommages suivants la mort de Rémi Fraisse à Sivens, je me suis pris de passion pour les mouvements sociaux qui représentent à mes yeux la pluralité humaine.

Aujourd’hui, je finalise une formation au Diplôme universitaire en « Photographie, documentaire et écritures numériques ». J’ai ainsi pu à apprendre à réaliser un reportage construit et aussi lors de mes stages à Paris (LeMonde) couvrir les émeutes de Bobigny suite à l’affaire du viol présumé de Théo.L.

Autoportrait de Maxime Reynié

On me demande un autoportrait j’en donne un. Je vois pas ou est le soucis.

Comment as-tu commencé la photo ?

En Octobre 2014 suite à la mort de Rémi Fraisse à Sivens, Toulouse connaît une suite de manifestation assez violente. Un jour en me promenant en centre-ville je tombe sur la première de ces manifestations et je commence à regarder ce qu’il se passait sans trop comprendre. A ce moment là les heurts commencent et je reste devant en tant que simple spectateur. Soudain un jeune homme avec un appareil photo (le même que j’avais à l’époque) cours vers moi après avoir reçu un spray de lacrymogène pour que je l’aide, ce que je fis. A cet instant et je ne sais toujours pas réellement pourquoi je me suis dit : “je dois faire comme lui ! Montrer aux gens ce qu’il se passe ici.”. Et me voilà dès la seconde manifestation à courir partout sans savoir ce que je faisais avec mon appareil ni savoir quoi faire de mes photos.

Comment as-tu appris la photographie ?

Ce que je connais de la photographie aujourd’hui je l’ai appris sur le tas en cherchant sur Internet et avec l’aide et conseils d’autres photographes dont toi-même.
Je me rappelle au tout début je regardé des heures de tuto sur Youtube majoritairement à propos de Lightroom.

La meilleure école reste le terrain, regarder son travail et essayer de faire mieux à chaque fois tout en  discutant avec d’autres photographes.
J’ai commencé en mode Automatique sans rien comprendre à mon appareil et je trouve que les photos réalisées à l’époque n’étaient pas si mal, puis j’ai découvert le mode Manuel à travers les photos d’étoiles et d’orages. Aujourd’hui je shoot quasi exclusivement en Priorité Ouverture et Manuel.

Quel est ton approche actuelle de la photo ?

Mon approche est en train de complètement changer avec la formation que je suis en train de réaliser (Diplôme universitaire en « Photographie, documentaire et écritures numériques ») donc la version actuelle n’est pas encore précise pour moi.
Avant la formation, sur Toulouse, je fonctionnais en fonction de l’actualité, un meeting j’y allais, une manifestation j’y allais etc.. Avec il est vrai une bien plus grande motivation pour les mouvements sociaux.

Aujourd’hui, je commence à penser sur le plus long terme, à réfléchir à des reportages, à des histoires, à écrire des synopsis, à penser avec plus de recul. Par exemple, ne plus aller en manif et faire mes photos de news mais suivre le mouvement autour de personnages et construire un histoire.

Toulouse - Avenue de Grande-Bretagne le 22 novembre 2014
Toulouse – Avenue de Grande-Bretagne le 22 novembre 2014
Après avoir mis la barricade en feu, les militants fuient les gaz lacrymogènes dans des petites ruelles sous la surveillance de l’hélicoptère de la gendarmerie. (Photo Maxime Reynié)

Quelles sont tes sources d’inspirations ?

Je sais que je vais me faire des ennemies et ils auront bien raison, mais je n’ai aucune culture photographique. (Mais je commence à me soigner). Je ne pourrais donc pas citer beaucoup de photographes connus. Je ne me base pas forcément sur ce que font les autres mais plutôt sur ce que je ressens.

Comment définis tu ton statut et pourquoi ?

Aujourd’hui j’ai tendance à me définir comme photojournaliste indépendant et n’ayant donc pas de carte presse si précieuse dans certains cas.
Je suis aussi en train de réfléchir à comment me déclarer professionnellement en photographe auteur.

Philippe, consacre tout son temps libre au club d’aviron de la ville dont il est le président. Créé en janvier 2016, le club se déplace sur le Canal du Midi à une vingtaine de kilomètres de Carcassonne dès le mois de septembre.
Philippe, consacre tout son temps libre au club d’aviron de la ville dont il est le président. Créé en janvier 2016, le club se déplace sur le Canal du Midi à une vingtaine de kilomètres de Carcassonne dès le mois de septembre.
Leur locaux : un local de quelques mètres carrés mit à leur disposition par l’Institut Thérapeutique Educatif & Pédagogique, se trouvant à une centaine de mètres.
Grâce à ce rapprochement, Philippe a pu commencer fin novembre un projet avec les enfants de l’ITEP. Pour le moment seul un groupe de quatre adolescents âgés de 13 à 15 ans en difficultés, dé-scolarisés et dé-sociabilisés participe à l’activité. Le président du club consacre ses mercredi après-midi à l’initiation de ces jeunes et ainsi ils retrouvent solidarité, confiance en eux et sourire. (Photo Maxime Reynié)

Quel est ton matériel et pourquoi ?

Je dispose actuellement d’un Nikon D7200 avec 35mm f/1.8, 18-140 f/3.5-5.6 et 80-200 f/2.8.
J’utilise aujourd’hui à 95% mon 35mm. Quand au 80-200 il s’agit d’un ancien modèle vendu par un photographe que j’utilise évidemment pour les sujets lointains et qui possède un super piqué.

Je suis aujourd’hui plutôt satisfait de mon matériel mais je songe de plus en plus à le changer soit pour du plein format chez Nikon (robuste, rapide, performant, montée ISO) soit pour un hybride Fujifilm/Sony.

Je possède aussi un GoPro que je fixe sur mon casque ou boitier durant les manifestations.

Quel est ton « flux de production » ?  De l’idée à la diffusion de la photo

Pour le news: je cherche les infos et je contacte des rédactions, ensuite je vais à l’évent et je shoot ce que j’ai à faire en essayant de prendre le plus possible mon temps, d’observer et de réfléchir aux cadres etc.. Ensuite editing rapide et on envoie s’il le faut.

Pour les sujets plus construits : je lis l’actu local, la PQR, écoute les histoires de comptoirs. Quand un sujet semble intéressant je me renseigne dessus, réalise un synopsis et commence à prendre des contacts. Ensuite production : shoot + editing etc… Et pour finir j’envoie un portfolio PDF aux rédactions qui peuvent être intéressées.

Où montres tu tes photos et pourquoi ces choix ?

J’ai au début publié mes photos sur Flickr puis 500px, deux sites de photographies communautaires avant de les délaisser.
J’ai ensuite publié certaines de mes photos sur mon site web que j’ai modifié depuis, cependant la majorité des mes photos allaient directement vers l’agence Newzulu encore dernièrement mais que j’ai quitté récemment.

Sur mon site j’ai choisis de fonctionner par ‘reportage’ dorénavant pour éviter de le transformer en fourre-tout.

Actuellement je pense à rentrer dans une agence si possible pour pouvoir diffuser mes images.

emeute à Bobigny suite à un ressemblement de soutien à Théo - 12/20/2017 - 18H23 - Pour disperser les curieux, les forces de l'ordre n'hésitent pas à faire usage de grenades lacrymogène.(Photo Maxime Reynié)
émeute à Bobigny suite à un rassemblement de soutien à Théo – 12/20/2017 – 18H23 – Pour disperser les curieux, les forces de l’ordre n’hésitent pas à faire usage de grenades lacrymogène.(Photo Maxime Reynié)

Quels sont tes meilleurs et pires souvenirs photographiques ?

Un de mes meilleurs souvenirs :

L’émeute à Bobigny après le viol présumé de Théo.L. Je ne connaissais en aucun cas l’endroit, les gens. J’y suis allé avec Paul Roquecave qui est aussi photographe et on est resté en binôme tout le long. Ce fut une longue journée à courir dans tous les sens, éviter les projectiles et LBD, à pleurer dans le gaz. C’était pour nous deux notre “baptême du feu” en banlieue et l’on est tombé que sur des jeunes sympa malgré leur méfiance envers les journalistes.
Je ne suis pas près d’oublier le chemin du retour avec Paul. On était exténué mais content de nos images. Clopes aux becs à rêver de notre futur et de celui des tous ces jeunes.

Un de mes pires souvenirs :

Après presque un mois de manifestations avec ou sans heurts contre le projet de Loi Travail, une manifestation d’environ 50 000 personnes a battu les pavés toulousains le 31 mars 2016.

Au début calme, le tout dégénère très fortement arrivé au niveau de St Cyprien quand les forces de l’ordre décident de disperser les manifestant restant. A un moment je me retrouve seul au milieu des manifestants qui jettent des projectiles sur les CRS qui avancent vers nous en accélérant. Je vois une image à faire d’un militant les bras écarté faisant front, seul, devant le mur de bouclier qui avance vers lui, je me rapproche donc pour la shooter et à ce moment les CRS chargent.

N’ayant pas le temps de fuir, je lève les bras en l’air avec le boitier, met en avant mon brassard “press” et cris que je suis journaliste. En un instant je me retrouve au sol matraqué de tous les côtés dont un bon coup sur le crâne qui me sonne complètement. Les CRS me laissent ensuite au sol, la tête en sang, me laissant tituber dans la rue fermée jusqu’à sortir du périmètre ou des gens m’ont accompagné aux urgences.
Constat : 3 points de suture au crâne et toujours des soucis de nuque depuis.

Pendant les deux semaines qui ont suivies je n’ai pas réussi à retourner au contact avec les forces de l’ordre.

Tu illustres cet interview avec plusieurs photos, pourquoi celles ci ? Raconte-nous leurs histoires

Pour l’autoportrait hein ben voilà j’assume

La première image, celle en noir et blanc est une des plus importantes à mes yeux. Il s’agit de la première fois que j’ai réellement fait de la photo. C’était une manifestation qui a dégénéré à Toulouse fin 2014 suite à la mort de Rémi Fraisse à Sivens. Je me revois encore sur place, courir dans tous les sens comme un touriste ne sachant pas quoi faire et le pire c’est que j’y ai pris goût.

Ensuite il s’agit d’une image réalisée il y a peu dans un petit club d’aviron, celui de Carcassonne qui aide des enfants d’un Institut Thérapeutique Educatif & Pédagogique, ITEP. Ce sont des enfants déscolarisés et en grande difficulté sociale. A travers l’aviron, ils retrouvent l’entraide, le goût de l’effort et surtout le sourire. Il s’agit du premier vrai sujet construit et réfléchis que j’ai réalisé.

Et enfin une image réalisée à Bobigny. Elle est importante pour moi car en plus d’être un moment fort pour moi autant professionnellement qu’amicalement j’ai beaucoup appris à travers cet évènement car étant en stage au journal Le Monde à ce moment là j’ai pu voir les photos de tous les autres photographes, avoir l’avis de l’équipe sur mes images etc..

Je viens de voir qu’il fallait un quatrième image à la fin donc : Et enfin une image d’orage prise dans le Gers je ne sais plus quand car comme Loïc j’aime passer des heures sous la pluie et avoir la satisfaction de voir un éclair pendant la photo se réalise. Admirer la nature et se sortir les idées de toute cette actualité qui nous fait vivre.

As-tu un conseil pour les photographes qui lisent ce billet ?

S’amuser et ne pas se forcer. Toujours penser avec son cœur et ne pas tomber dans une mécanique froide et barbante. Penser passion avant de penser pognon. (mais penser pognon quand même parce que les pâtes aux beurres voila…)

PS: Il faut remplir les IPTC !

(Photo Maxime Reynié)
Sous l’orage dans le Gers (Photo Maxime Reynié)

Lâche un pouce bleu

Un Grand MERCI à ceux sans qui je n’en serais pas là aujourd’hui : Vincent&Ilyes sans qui je n’aurais pas fait de photo tout simplement ni été là, Paul, Alain, Loïc, Kevin, Pablo, Fred², et beaucoup d’autres que j’ai oublié.

4 COMMENTAIRES

  1. toujours sympa ces interviews et de decouvrir de nouveaux passionnes.
    pas le genre de photos que ĵ´aimerai faire, trop de pression pour moi, mais il en faut, chapeau !

    • @ary
      Je ne sais comment c’est vers chez toi mais cette pratique de la photo peut être très formatrice. Il faut être prêt à tout. Les conditions de prises de vue peuvent complétement changer en quelques secondes.
      Il n’est pas obligatoire de commencer par les manifs avec une forte présence de casseurs. 😉

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