AZF : 10 ans !

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10 ans ! Voilà déjà 10 ans que l’usine AZF a explosé à Toulouse. J’aurais bien sûr pu vous raconter ce qu’il s’est passé là-bas, mais je crois que même les experts ne le savent pas vraiment.

En 2001 l’usine AZF fait parti de « Grande Paroisse », premier producteur de fertilisants appartenant au groupe Total. Son nom officiel «usine Grande paroisse de Toulouse» est souvent remplacé par les trois lettres AZF qui figuraient sur la plus grande cheminée du site. AZF est une marque commerciale qui signifie «AZote Fertilisant».

Avant la catastrophe du 21 septembre de nombreux toulousains appelaient le site «ONIA» (Office National Industriel de l’Azote)

Cette stèle rappelle que 21 personnes sont décedées sur le site de l'usine AZF
Cette stèle rappelle que 21 personnes sont décédées sur le site de l’usine AZF

Mes souvenirs de l’usine AZF que l’on appelait ONIA

Habitant du nord-est toulousain je ne connaissais que vaguement l’usine AZF. Lorsque nous passions à côté de l’usine mon père nous disait toujours de regarder l’ONIA. Mais en voiture de la route d’Espagne nous ne voyions pas grand-chose de cette usine. Tout juste, pouvions-nous voir la tour rouge et blanche qui domine le site. On pouvait aussi observer une tour verte un peu plus petite.

Je me souviens surtout de ce mur blanc presque interminable que nous longions en voiture. Pour éviter le collage d’affiche et sans doute favoriser que des plantes grimpantes cache ce mur un treillis vert recouvrait les murs.

Le mercredi avant que l’usine n’explose je faisais du roller. Une randonnée sauvage, c’est-à-dire en dehors du cadre sécurisé des randonnées roller de Roulez Rose. Nous sommes passés par le chemin de la loge entre la rocade et l’usine AZF. La route manquait de lumière et j’ai chuté sur les rails qui permettaient au trains d’accéder à l’usine. J’ai laissé un peu de cuir sur la route, avant de poursuivre notre périple.

Mon AZF, depuis un lycée au nord de Toulouse

10 jours après les attentats qui ont touché les États-Unis, l’inquiétude était grande de voir la même chose se (re)produire en France. Ce matin les l’élève de ma classe doivent assister à un discours de la proviseur. Il est 10 h10 quand on nous fait entrer dans la salle de conférences. Tout le monde s’installe rapidement dans la salle. On retrouve les copains qui sont dans d’autres classes. La proviseur commence son discours, personne ne prête beaucoup d’attention à ce discours. Soudain, les plaques du faux plafond se soulèvent et une explosion se fait entendre.

Les professeurs ne voulant prendre aucun risque nous font évacuer les bâtiments. On échange sur notre ressenti de l’explosion. Certains ont l’impression qu’un avion de chasse vient de franchir le mur du son, d’autres suspectent une explosion plus grave. En sortant de la salle de conférences, mes camarades et moi-même constatons que les vitres d’un laboratoire de chimie, d’un autre bâtiment, était explosées. En rigolant nous pensions qu’un « Régis » avait raté une expérience.

Les informations qui arrivaient, toutes contradictoires, n’étaient que des rumeurs qui indiquait que le centre-ville avait subi plusieurs explosions, parfois liée à une explosion d’une conduite de Gaz, d’autres par un attentat place du Capitole ou rue de Metz. Regroupé dans la cours, nous attendons que l’on nous donne des consignes. Le visage des professeurs se ferme de plus en plus en plus au fil des minutes qui passent. Une certaine tension s’installe lentement sur le lycée Raymond-Naves.

Obtenir des informations sur l’explosion qui a secoué Toulouse

Il nous fallut attendre les premières informations relayées à la radio par France Info pour comprendre ce qu’il se passait réellement. À l’époque, le téléphone portable n’était pas aussi répandu qu’aujourd’hui et les informations circulaient bien plus lentement qu’aujourd’hui.

Pour écouter la radio France Info nous avons utilisé un vieux baladeur à cassette (loin des Ipod actuels). Quelques jours plus tôt nous avions assisté à des cours de secourisme. On savait donc quelle conduite nous devions adopter. Après avoir jonglé avec les piles des uns et des autres pour réussir à faire fonctionner le baladeur, nous pouvions entendre que personne ne savait vraiment ce qu’il venait de se passer.

Les journalistes sans doute à Paris égrainaient les lieux où des dégâts avaient été constatés. Beaucoup de ces lieux se trouvaient dans le centre-ville de Toulouse. De nombreuses vitres et parfois des vitrines avaient explosées.

Une vingtaine de minutes après l’explosion la rumeur indiquait que l’usine AZF venait d’exploser. Un professeur d’économie qui suivait lui aussi les informations a pris la parole pour rassurer les élèves. Il a expliqué que l’explosion venait de se produire à l’ONIA. Rares étaient les élèves qui connaissaient l’ONIA ou AZF, l’usine située à 8 kilomètres du lycées. Le plus souvent ces élèves habitaient encore plus loin et ne se rendaient que très rarement au sud de Toulouse.

Se confiner hors du lycée, une question de sécurité

La proviseur, son adjoint et les professeurs ne semblaient pas trop savoir ce que nous devions faire. Certains voulaient que l’on rentre en classe. D’autres préféraient que l’on reste dehors.

Afin d’assurer notre sécurité, avec quelques amis, nous avons pris la décision de nous rendre chez un camarade habitant non loin du lycée pour éviter de subir des mesures de confinement. À ce moment précis nous n’avions pas la certitude que l’explosion que l’on venait d’entendre faisait suite à un accident industriel, le 11 septembre avait eu lieu seulement 10 jours plus tôt.

Nous avons dû faire attention aux surveillants et autres professeurs qui cherchaient à nous retenir dans l’établissement, mais nous avons pu facilement leur fausser compagnie en passant par un passage « interdit » (sous le grillage). Sur le chemin, nous avons pu apercevoir un nuage rouge orangé s’élever dans le ciel toulousain.

Avec le recul, je pense que c’était la meilleure décision à prendre. Plusieurs personnes se sont retrouvées « prisonniers » de l’établissement sans réelles informations, sans possibilité de communiquer.

Au contraire chez notre camarade, nous avons pu accéder à des moyens de communications afin de prendre des informations sur Internet, échanger via MSN et IRC, les réseaux sociaux n’existaient pas. Nous avons pu contacter nos familles qui s’inquiétaient pour nous, avoir des informations sur des proches n’était pas une chose facile tant les lignes téléphoniques étaient saturées.

S’informer comme on peut sur la catastrophe à AZF

Tout au long de la matinée, nous avons attendu que les informations se précises. Ce n’est que vers 12:00 en regardant le journal télévisé que nous avons réellement compris ce qu’il s’était passé. Mais à ce moment-là il nous était impossible d’imaginer l’ampleur des dégâts que la ville Rose avait subis. Les images de Pierre Nicolas et Michel Mézières nous ont donné un aperçu de la zone autour de Langlade.

Certains de mes camarades semblaient découvrir l’endroit. Ils avaient un peu de mal à imaginer l’usine. Mais quand on vient du nord de Toulouse pour aller dans les Pyrénées on ne passe pas devant l’usine.

Les transports en commun ne fonctionnaient plus, nous avons dû nous organiser pour pouvoir rentrer chez nous. Certains ont pu covoiturer, mais il fallait faire attention de bien informer les parents de celui qui partait avec un autre camarade.

AZF, Une cicatrice pour tous les toulousains

Je n’ai jamais pris d’aller voir les restes de l’usine après son explosion. Dans un bus qui me conduisait dans les Pyrénées pour encadrer une colonie, j’ai découvert les restes de l’usine en février 2002. Dans le bus il y avait de jeunes toulousains qui avaient vécu l’explosion de l’usine d’une manière plus effrayante. Les vitres de leur école ont volé en éclat au moment de l’explosion.

Aujourd’hui encore lorsque je passe à côté de l’ancien site de l’usine AZF je ne peux que me rappeler ces instants d’inquiétudes, penser aux victimes et à ceux qui ont vu leur vie brisée suite à cette catastrophe du 21 septembre 2001.

N’hésitez pas à raconter dans les commentaires votre 21 septembre 2001 à Toulouse.

De nouvelles activités pour l’ancien site d’AZF

En 2002, Total a pris la décision de ne pas relancer l’usine AZF.

Le terrain une fois dépollué a été offert à Toulouse dans un but d’intérêt général. Le site de 70 ha a été entièrement dépollué sous contrôle de DRIRE et d’experts indépendants, afin d’effacer toute trace de pollution des industries passées. Il reste cependant une zone autour du cratère qu’il faudra dépolluer quand le processus judiciaire sera terminé.

Il a donc été décidé d’y construire le pôle de recherche sur le Cancer appelé « Canceropole » et d’installer une vaste zone verte.

AZF dans l’attente d’un espace commémoratif

Les stèles de commémorations, invisibles depuis la route, sont installées sur le site de l’ancienne usine AZF au milieu de ce que je qualifie d’un « no man’s land », tout autour se trouve des grillages et autres barrières, des « ruines » d’anciens bâtiments sont stockés à coté (ils doivent servir pour ériger un monument plus important). Les travaux sur le site ne sont pas encore terminés.

La SNPE (Société Nationale des Poudres et Explosifs) est toujours en activité, elle produit toujours le carburant pour la Fusée Ariane V (5) et des satellites. Des ballastières qui stockent des explosifs (nitrocellulose) de la première guerre mondiale sont toujours présentes sur le site voisin du Canceropole, elles sont sur des terrains appartenant à la DGA (Direction Générale de l’Armement). Même si la dé-pollution des ballastières est prévue celle-ci semble tarder.

AZF un procès en appel :

Le procès en appel aura lieu en novembre 2011, mais devant l’absence d’explications je me demande à quoi cela peut-il servir, bien sur je ne défends pas Total propriétaire de l’usine AZF, mais je me demande comment on peut sanctionner une personne ou une entreprise sans connaitre la cause de ce problème.

De nombreuses hypothèses existent encore et aucune ne permet de vérifier la source de l’explosion qui a eu lieu le 21 septembre 2001

À mon sens les pouvoirs publics qui acceptent que ces industries restent aussi proches des agglomérations, mais aussi que celles-ci puissent se rapprocher de ces industries sont tous aussi responsables de cette catastrophe.

Pour aller plus loin sur la catastrophe AZF :

8 COMMENTAIRES

  1. Moi, j’en veux à Total qui m’a réveillé en sursaut à 10h17 alors que j’étais en RTT !
    Il faut dire que j’habitais à Pech David, soit la colline juste en face AZF.

    Donc une fois le choc passé, l’attente à la radio de savoir ce qu’il s’était passé, gros gros stress de ne pas avoir de nouvelles de la famille à Toulouse.
    A l’arrivée une blessé mais tout va bien.

    Et j’ai aujourd’hui toujours l’impression qu’un truc va exploser quand tout est trop calme autour de moi…

    • c’est vrai que depuis Pech-David tu es aux « premières loges » pour voir le site d’AZF et de la SNPE mais j’ai l’impression qu’il y a eu très peu de dégâts dans ce secteur…

      Cette notion de « calme effrayant » revient très souvent dans les commentaires sur cette catastrophe …

  2. Nous avons entendu l’explosion au Nord de Montauban c’est dire… pour nous c’était comme le bang des avions qui passent le mur du son mon épouse était en train de tailler ses rosiers, et je venais juste de passer la tête par la fenêtre. Sinon je reste dubitatif devant la phrase « mais je crois que même les experts ne le savent pas vraiment. », je pense que des gens connaissent la vérité et je suis très déçu de la justice, je pensais que nous saurions je me suis lourdement trompé. Peut-être que les générations de la société de l’après pétrole l’apprendrons…

    • On ne peut effectivement que souhaiter la vérité sur cette catastrophe, mais le secret des uns et les intérêts des autres risquent de nous priver de cette vérité que l’on attend tous. Bien sur la justice peut être mise en cause quand on voit les rapports présentés sur certains sites Web.

      Ton commentaire montre aussi que l’explosion a été entendu à 50km voir plus de l’usine AZF

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